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1878 : un duel au Plessis-Piquet

Histoires d'archives n°40

Photo : Duel au pistolet au XIXe siècle
 © Bauce et Rouget, La Lecture - Le Journal de Roman

Fureter dans les archives peut offrir de curieuses révélations, telles ce duel au sommet politique de la IIIe République qui se déroula au Plessis-Piquet à l’aube d’un mardi de novembre 1878. Les colonnes du Sydney Morning Herald du 7 janvier 1879 relatent ainsi avec force détails et esprit, le duel au pistolet qui opposa deux anciens ministres de l’Intérieur : le député conservateur Oscar de Fourtou, et le député républicain Léon Gambetta.


Comment en est-on arrivé à cette issue "fratricide" qui aurait pu se révéler fatale ? Il faut pour le comprendre se replonger dans le climat délétère qui règne en l’époque en France. Depuis la chute du second Empire de Napoléon III, le pays est divisé entre les républicains et les conservateurs qui souhaitent une restauration de la monarchie. Oscar de Fourtou fait partie de ces derniers et accède au Ministère de l’Intérieur en mai 1877. Mais de nouvelles élections confirment la majorité républicaine à l’Assemblée et contraignent le gouvernement à démissionner. De plus, le 18 novembre 1878, les républicains obtiennent l’annulation de la réélection d’Oscar de Fourtou à la Chambre des députés pour cause d’irrégularités dans le scrutin.

Des échanges fougueux

Ce jour-là, les débats à l’Assemblée sont particulièrement houleux. The Sydney Morning Herald raconte qu’Oscar de Fourtou à la tribune adresse au député Léon Gambetta, siégeant à gauche, en haut de l’Hémicycle, le propos sybillin : "Quand on déclare la guerre à tous les Français que n’anime pas une vieille foi Républicaine…". L’intéressé lui rétorque fougueusement : "C’est un mensonge Monsieur ! ".S’en suit un débat avec le Président de la Chambre des Députés au cours duquel Oscar de Fourtou se considère injurié. L’offensé envoie à l’offenseur ses témoins, les députés Raoul Blin de Bourdon et Robert Mitchell, afin d’obtenir le retrait de ses paroles ou d’en répondre par les armes. C’est ce qu’il advient. Léon Gambetta, à son tour, envoie ses témoins : le député radical François Allain-Targe et le chantre de la République, Georges Clemenceau, appelé au destin que l’on sait lors de la Grande Guerre de 1914-1918. Ils se battront donc.

Photo : Léon Gambetta © Richard Brend’amour

Une pratique interdite

Le duel est à l’époque l’ultime recours pour réparer un affront. Cette pratique s’est répandue dans la noblesse en France au XVIe malgré de multiples interdictions. Avec la Révolution sont apparus les duels politiques, et sous la IIIe République, nombre de journalistes et d’hommes politiques sont de brillants duellistes.

Le duel devenu inévitable, selon les quatre émissaires, c’est l’offensé, le bonapartiste Fourtou, qui choisit les armes : le pistolet. On établit que le combat se fera à 35 pas l’un de l’autre et qu’une seule balle sera échangée. Le duel a lieu le 21 novembre 1878 un peu avant neuf heures, à l’abri des regards, quelque part au Plessis-Piquet. Les raisons du choix de notre commune demeurent malheureusement mystérieuses. Les règles et la prudence font qu’ils sont accompagnés de deux chirurgiens, MM. Thévenet et…Lannelongue. Curieux clin d’œil de l’histoire qui nous fait rencontrer ici en 1878 ce médecin dont l’hôpital, créé à Paris en 1906 en hommage à son épouse, Marie Lannelongue, sera transféré au Plessis-Robinson un siècle plus tard, en 1977…

Une ovation pour finir

Aucun des deux adversaires n’est touché. L’épilogue de ce "vaudeville burlesque", "duel de comédie" selon le chroniqueur, offre au retour de l’orateur redouté à la Chambre une ovation de la part des députés soulagés… Le journaliste du Sydney Morning Herald, acerbe, précise que "cet épisode a suscité moquerie et surprise et n’a rien ajouté à la réputation de ses héros". Il considère "cette tradition tyrannique qui ne prouve rien quand le duel est sérieux et qui ridiculise deux hommes quand le duel ne l’est pas…" comme surannée. En 1967, le dernier duel politique en France opposant à l’épée Gaston Defferre, indéracinable maire de Marseille au député René Ribière, semble lui répondre en écho amusé.

Photo : Oscar de Fourtou © Jules Claréty, Histoire de la Révolution de 1870-1871

 

Sources :

The Sydney Morning Herald, 7 janvier 1879
http://trove.nla.gov.au/ndp/del/article/13427376

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