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1910 : femmes légères à Robinson

Histoires d'archives n°41

Photo : Les plaisirs du dimanche, de l’âne à l’escarpolette
(Collection Christian Poireaux)

 

A propos de Robinson, on évoque toujours les grandes guinguettes devenues au fil du temps de véritables institutions : le Vrai Arbre de Robinson, le Grand Arbre ou encore le Pavillon Lafontaine. Autour de ces établissements phares qui attiraient un public toujours plus nombreux les dimanches de beau temps, gravitaient beaucoup de commerces plus modestes. Débits de boissons, restaurants, marchands de glaces, stands de tir, loueurs d’âne contribuaient à faire du Robinson de la Belle Époque une véritable fête foraine. Mais ce succès populaire ne manqua pas d’attirer les convoitises d’entrepreneurs malhonnêtes qui voulurent profiter de l’affluence pour faire de l’argent en ouvrant des établissements peu recommandables…

 

Photo : Le dimanche à Robinson de Henri Mirande, 1913

En 1910, Paul Jaudé, maire depuis peu, dénonce au commissaire de police de Sceaux "les scandales et les actes d’immoralités dont deux maisons mal famées de Robinson sont le théâtre". Le Bar des Cavaliers, situé rue de Malabry, non loin du Vrai Arbre de Robinson, est tenu par une certaine "dame Andrée déjà propriétaire de deux brasseries de femmes sises à Paris rue de Tracy […]. La caissière de la maison est une dénommée Georgette autrefois tenancière d’une maison de prostituées sise à Paris" et dont le protecteur vient d’être condamné à deux ans de prison. "Deux filles, amenées des lupanars de la rue de Tracy, complètent le personnel du Bar des Cavaliers." Paul Jaudé poursuit en décrivant le deuxième établissement. "Le Caveau des Amazones, sis rue d’Aulnay, ne le cède en rien, pour l’immoralité, au Bar des Cavaliers. Cet établissement est dirigé par une nommée Jeanne T., actuellement au pouvoir d’un certain C., individu peu recommandable et dont la police a déjà dû s’occuper […]. Jeanne T. est une professionnelle de la prostitution et elle trouve dans la pratique de la débauche la plus répugnante ses moyens d’existence. "

Le scandale est d’autant plus grand que le Bar des Cavaliers et le Caveau des Amazones ne semblent pas faire mystère de leurs activités licencieuses. En effet, aux vitrines de ces deux établissements, des calicots annoncent aux clients que "le service est fait par des dames". Par ailleurs, des cartes publicitaires vantant ce type de prestation sont distribuées aux abords de la gare de Sceaux-Robinson. Pire pour le garant de l’ordre public, les prostituées se tiennent sur les portes ou aux fenêtres de ces maisons pour aguicher les passants.

Pour le maire, la situation et intolérable : "Nous ne voulons pas qu’il s’établisse autour de Robinson une réputation de débauche et d’ignominie. Nos concitoyens, qui ne veulent trouver leurs moyens d’existence que dans l’exercice d’un commerce honorable ne peuvent supporter plus longtemps la promiscuité dégradante des maisons clandestines sur lesquelles je viens d’appeler votre attention." Il demande donc au commissaire d’organiser une descente de police afin de constater les faits.

Par ailleurs, il prend des mesures pour tenter de réglementer le fonctionnement des guinguettes et en particulier d’éviter que certaines d’entre elles ne deviennent des lieux de prostitution. Les débitants doivent tout d’abord exploiter eux-mêmes et à leurs noms leurs établissements. Les prête-noms et les hommes de paille sont donc interdits. Ensuite, aucune femme ne peut travailler dans un débit de boissons sans avoir produit préalablement un certificat de bonne conduite. Il est en outre interdit aux employées de se poster sur la porte ou aux fenêtres pour racoler les passants. De fait, s’il est "établi qu’une fille ou femme employée dans un débit se livre habituellement à la prostitution avec les clients dans une chambre attenante ou à proximité de ce débit, la fermeture de l’établissement pourra être immédiatement ordonnée". Enfin, l’emploi de rideaux ou de vitres opaques aux fenêtres des guinguettes est prohibé car "la police doit pouvoir à toute heure voir du dehors ce qui s’y passe".

 

 


Photo : La rue de Malabry, au niveau du Bar des Cavaliers, vers 1910 (Archives municipales, 4 Fi MAL 19)

Ainsi, les guinguettes de Robinson, où les Parisiens venaient s’amuser et conter fleurette dans un cadre champêtre idéalisé ont également connu un versant moins fleur bleue. Comme tous les quartiers voués au plaisir et au divertissement, Robinson eut son lot de mauvais garçons querelleurs et de jeunes filles en quête d’amant plus ou moins fortunés. Plus grave, ici comme ailleurs, la prostitution s’était installée, tirant profit du corps des femmes pour assouvir les désirs masculin. Si cette pratique resta très minoritaire, elle n’en suscita pas moins une vigilance accrue des autorités soucieuses du maintien de l’ordre et du respect des bonnes mœurs.

Sources :

  • Archives municipales :
    Arrêté du Maire du 14 mai 1910 pour lutter contre la prostitution (2 D 1).
  • Correspondance entre le maire Paul Jaudé et le commissaire de police de Sceaux relatif à la prostitution à Robinson, 1910 (série J).

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